Alors que les marchés commencent à se stabiliser et que les niveaux de production retrouvent lentement leur niveau d'avant la pandémie, les entreprises du monde entier doivent faire face à un autre défi : le déficit de main d’œuvre. Un rapport détaillé de Korn Ferry révèle que, d'ici 2030, plus de 85 millions d'emplois pourraient rester vacants faute de travailleurs qualifiés pour les occuper.

Si de nombreux facteurs à l’origine de la pénurie de main d'œuvre sont communs à toutes les économies, il existe toutefois des défis spécifiques à certaines régions, industries et fonctions. Poursuivez votre lecture pour en savoir plus.

qu’est-ce que la pénurie de main d'œuvre?

Une pénurie de main-d'œuvre (labor shortage en anglais) est une situation dans laquelle il n'y a pas assez de travailleurs pour occuper les emplois disponibles. Cette situation peut être causée par un certain nombre de facteurs, notamment une augmentation du nombre d'offres d'emploi, une diminution du nombre de personnes disponibles pour travailler ou un changement dans les compétences requises pour les emplois disponibles. Les pénuries de main-d'œuvre peuvent avoir un impact important sur les entreprises, car elles peuvent être incapables de trouver des travailleurs pour occuper les postes ouverts.

Cela peut entraîner une hausse des salaires et une concurrence accrue pour les travailleurs, ainsi que des difficultés à développer ou à accroître leurs activités. Dans certains cas, les pénuries de main-d'œuvre peuvent également entraîner des pressions inflationnistes, car les entreprises peuvent augmenter leurs prix afin de couvrir le coût de l'embauche de nouveaux travailleurs.

à quoi est due la pénurie de main d'œuvre?

Généralement, une pénurie de main-d'œuvre se produit lorsque le nombre de candidats disponibles est insuffisant pour répondre à la demande en recrutement des employeurs. Par exemple, aux États-Unis, près de 11 millions d'emplois sont vacants, mais seulement 6,5 millions de candidats sont répertoriés comme chômeurs en 2022.

Ce niveau élevé d'offres d'emploi ne touche pas seulement les employeurs des États-Unis. Par exemple, au début de l'année 2022, les employeurs d'Europe s'efforçaient de pourvoir plus de 1,2 million de postes ouverts à l’embauche, tandis qu'en Australie ils s'efforcent de pourvoir près de 400 000 postes vacants. De même, en 2021, Singapour a vu 163 postes vacants pour 100 candidats disponibles. Côté français, le nombre d'emplois vacants s'élève à 368 100 au 1er trimestre 2022, soit une hausse de 75 % par rapport au 4e trimestre 2019.

quelles sont les raisons de la pénurie de main d'œuvre?

Si l'impact de la pénurie actuelle de travailleurs varie selon les zones et les secteurs d’activité, il s'agit sans aucun doute de l'un des plus grands défis de l'histoire moderne. Un déficit de main d'œuvre persistant pourrait considérablement entraver la capacité du monde à se rétablir pleinement dans un marché post-pandémique. Pour surmonter ce challenge de taille, il est essentiel d'en identifier les causes.

Voici un aperçu de quelques facteurs à l'origine de la pénurie massive de travailleurs.

1. le Covid-19

Impossible d’évoquer l’actuelle pénurie de main-d'œuvre sans reconnaître le rôle joué par la pandémie mondiale. En mars 2022, l'OMS indique que plus de 6 millions de personnes sont décédées en raison de problèmes liés au virus, tandis que des millions d'autres font face aux effets du Covid long.

personnel médical
personnel médical

Ce seul facteur a provoqué des perturbations majeures au sein des entreprises du monde entier. Mais ce n'est pas tout. La pandémie mondiale persistante a engendré un certain nombre de défis pour les employeurs et les employés, comme :

  • problèmes de santé mentale

Dès le début de la pandémie, des experts se sont inquiétés de l'impact du Covid sur la santé mentale de la population active. Aujourd'hui, ces alertes sont justifiées. Selon l'Office of National Statistics du Royaume-Uni, la moitié des plus de 400 000 employés qui ont quitté le marché du travail entre février 2020 et novembre 2021 l'ont fait en raison de problèmes de santé mentale à long terme. Aux États-Unis, une enquête récente a révélé que deux tiers des millenials et 81 % de la génération Z qui démissionnent en 2021 citent la santé mentale comme principale raison. En France, selon une étude Malakoff Humanis publiée en juillet 2022, 44 % des jeunes qui jugent négativement leur santé mentale l’imputent au seul contexte professionnel (contre 35 % pour l’ensemble des salariés) : intensité et temps de travail (pour 67 % d’entre eux), rapports sociaux au travail dégradés (47 %).

  • perturbations de l'immigration

Les travailleurs migrants représentent 5 % de la main-d'œuvre mondiale. États-Unis, Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis, Canada, Allemagne et Royaume-Uni, tous dépendent fortement de ces employés pour répondre aux demandes de production. La pandémie a considérablement entravé cette dépendance, les pays ayant mis en place des politiques d'immigration plus strictes pour contrôler la propagation du virus à l'intérieur de leurs frontières. Au Royaume-Uni, la combinaison du COVID et du Brexit a entraîné une chute de 90 % des taux d'immigration en 2020. De nombreux pays prennent désormais des mesures pour assouplir les restrictions imposées aux immigrants, mais il pourrait encore falloir des années pour que les taux d'immigration reviennent aux niveaux antérieurs à la pandémie.

  • évolution des attentes des travailleurs

Tout au long de la pandémie, de nombreux employés ont dû faire face à des pressions professionnelles supplémentaires (fermetures soudaines d’entreprises, chômage partiel…) et à des défis personnels extraordinaires, comme faire l'école à la maison à leurs enfants et s'occuper de parents âgés. Ces facteurs de stress ont entraîné un changement dans les attentes des salariés. Au premier plan ? Le désir de maintenir un équilibre sain vie professionnelle-vie privée. Parmi les attentes des travailleurs également : une plus grande flexibilité, via des options de travail à distance, d'horaires souples, de congés payés supplémentaires et une plus grande autonomie pour établir leurs propres horaires.

Certains salariés sont prêts à changer d'emploi pour obtenir plus de flexibilité ou à quitter complètement le marché du travail s'ils ne la trouvent pas. Une étude de Monster montre que 95 % des employés sont ouverts à un changement d'emploi et 92 % prêts à changer de secteur d'activité si nécessaire.

2. les bas salaires

Si certains employés quittent carrément le marché du travail, la majorité d'entre eux change simplement d'emploi pour de meilleures opportunités professionnelles. Certains partent pour des salaires plus élevés. Selon notre étude sur la marque employeur Randstad, 62 % des employés du monde entier considèrent le salaire comme la principale motivation pour changer d'emploi.

La pénurie actuelle de main-d'œuvre a recentré le marché sur les candidats qualifiés dans la plupart des régions du monde. De nombreux employés et demandeurs d'emploi réclament des rémunérations plus élevées et de meilleurs avantages. Toutefois, ces augmentations de salaire varient d'un pays à l'autre. Par exemple, 100 % des pays d'Amérique du Nord s'attendent à une augmentation des salaires en 2022, 92 % en Amérique latine, 78 % en Asie-Pacifique et 50 % au Moyen-Orient et en Afrique.

Dans certaines régions du monde, les augmentations de salaire ne sont pas suffisantes pour couvrir le coût d’une inflation croissante. Par exemple, aux États-Unis, les salaires horaires ont augmenté de 4,7 % en décembre 2021, mais l'inflation a augmenté de 7 % pendant la même période, ce qui équivaut à une baisse de salaire de plus de 2 % en moyenne.

Pour réussir à recruter, il est tout aussi important de se concentrer sur l’amélioration des avantages sociaux dans le cadre de la rémunération globale. Notre dernière étude Randstad sur la marque employeur montre que 61 % de la main d'œuvre mondiale considère les salaires et les avantages sociaux comme la principale raison de choisir un employeur. Selon nos recherches, ils souhaitent également un bon équilibre vie professionnelle-vie privée (57 %), la sécurité de l'emploi (55 %) et un environnement de travail agréable (54 %).

ouvrier d'usine
ouvrier d'usine

3. le vieillissement de la population

Autre incidence sur la pénurie de travailleurs : le vieillissement de la population mondiale. Depuis des années, les employeurs de nombreux pays s'inquiètent du remplacement d'un nombre record d’employés partant à la retraite. Par exemple, rien qu'aux États-Unis, 10 000 personnes par jour atteignent le seuil de 65 ans, âge de la retraite. Et ce rythme devrait se poursuivre au moins jusqu'en 2029.

Le vieillissement de la population devrait s'accentuer au cours des prochaines décennies. Selon certaines études, d'ici 2030, une personne sur six dans le monde sera âgée de 65 ans ou plus et, d'ici 2050, ce nombre doublera. À cette crise s'ajoute la chute des taux de natalité dans de nombreux pays. Le vieillissement de la population combiné à la baisse du taux de natalité signifie qu'il y aura moins de personnes disponibles pour travailler, et donc une pénurie de candidats à l’embauche.

En effet, d'ici 2050, la population active de la Chine diminuera de 20 % et au Japon de 40 %. Ce problème n'est pas isolé à ces deux pays. Selon les statistiques de l'ONU et de la Banque mondiale, 75 pays ont déjà des taux de fécondité bien inférieurs au taux de remplacement souhaité de 2,1 %. Ce problème continuera d’impacter les besoins en recrutement des employeurs pendant au moins les prochaines décennies.

4. le déficit de compétences technologiques

Selon une étude, 87 % des employeurs mondiaux admettent faire face à des problèmes de pénurie de compétences ou s'attendent à l'être d'ici quelques années seulement. Si la perte de compétences et d'expérience due aux départs à la retraite des travailleurs est certainement un facteur contributif, la principale cause de cette pénurie de main-d'œuvre est liée à l'intégration des technologies avancées, de l'IA et de l'automatisation. Si cette technologie émergente contribue sans aucun doute à rationaliser l’organisation d'une entreprise et à améliorer son efficacité, elle nécessite avant tout des employés avec les compétences nécessaires pour la faire mettre en œuvre.

Même si ce défi n’est pas nouveau pour les employeurs, il s'est néanmoins intensifié depuis la pandémie où de nombreuses entreprises se trouvent confrontées à des problèmes de production et de chaîne d'approvisionnement.

quelles sont les industries les plus touchées par la pénurie de main d'œuvre?

Si la quasi-totalité des industries d’Europe et du monde est touchée d'une manière ou d'une autre par la pénurie croissante de main d'œuvre, il existe quelques secteurs où l'impact du manque de travailleurs est plus fort:

l’industrie

Avant même que la pandémie ne frappe, les experts prévoyaient une pénurie mondiale de plus de 8 millions de personnel dans le secteur de l'industrie. Aujourd'hui, ce déficit est encore plus important. Aux États-Unis, il pourrait y avoir plus de 2 millions d'emplois non pourvus d'ici 2030 et les industriels britanniques sont confrontés à la plus grande pénurie de main d'œuvre depuis plus de 30 ans. En France, 95 000 postes restaient à pourvoir dans le secteur sur le seul premier trimestre 2022.

travailleur de la logistique
travailleur de la logistique

La logistique

La logistique est un autre secteur qui bataille pour attirer des candidats : c’était déjà le cas avant la pandémie et le défi est toujours d’actualité. Cette pénurie de main d'œuvre n'est pas isolée dans une seule région du monde. Par exemple, les employeurs américains s'efforcent de pourvoir 80 000 postes vacants dans le secteur du transport routier, tandis que le Royaume-Uni connaît une pénurie de plus de 100 000 chauffeurs routiers. Ce déficit permanent de personnel devrait entraîner une pénurie de 18 % de chauffeurs routiers au Mexique et de 24 % en Turquie. Et la France ne fait pas exception : déjà en 2017, 33 % des entreprises du secteur logistique peinaient à recruter, ce chiffre grimpe aujourd’hui à près de 60 %. Aujourd’hui, 73 % des employeurs voient ce manque de main d’œuvre comme une menace directe sur la survie même de leurs entreprises.

la santé

Le secteur de la santé a durement été touché par la pandémie. Non seulement ces professionnels essentiels ont risqué leur vie, ainsi que celle de leur famille, en se rendant au travail tous les jours, mais beaucoup ont également dû travailler de longues heures en raison du manque de personnel. Aujourd'hui, alors que les effets du Covid-19 commencent à s'estomper, nombre de ces travailleurs de la santé envisagent de quitter la profession.

Par exemple, 57 % des infirmières au Royaume-Uni envisagent de quitter leur emploi, contre 32 % des infirmiers et autres professionnels de santé aux États-Unis. En France, 180 000 infirmiers ont jeté l'éponge ces dernières années, sachant que 30 % des jeunes de cette profession abandonnent dans les cinq ans après leur diplôme. À l'échelle mondiale, le Conseil international des infirmières prévient que 13 millions d'infirmières pourraient manquer d'ici 2030 si des mesures ne sont pas prises. Ce problème pourrait conduire à une crise mondiale en moins d'une décennie.

quel est l'impact de la pénurie de main-d'œuvre ?

La pénurie actuelle de main d’œuvre peut non seulement entraver la croissance des entreprises, mais aussi  impacter la société dans son ensemble. À titre d’exemple, les perturbations logistiques ont déjà entraîné des pénuries de produits. Dans certaines régions, le manque de candidats a également provoqué la fermeture de magasins et de restaurants.

Autre problème surveillé de près par de nombreux experts: la hausse de l'inflation. Savoir si la pénurie de main-d'œuvre contribue à l'inflation fait encore l'objet d'un débat, mais beaucoup pensent qu’elle entraînera une hausse des salaires et des prix ainsi qu’un ralentissement de la reprise post pandémie. Si elle n'est pas maîtrisée, l'inflation pourrait provoquer une crise sévère dont la résolution pourrait prendre des années, voire des décennies.

Le manque de candidats, et plus précisément le déficit de compétences, peut empêcher les entreprises d’adopter des technologies émergentes pour recruter des profils qualifiés. Selon une étude, 64 % des entreprises considèrent, en 2021, la pénurie de main d'œuvre comme le principal obstacle à leur digitalisation, contre seulement 4 % en 2020.

La pénurie de travailleurs est un défi majeur, mais en comprendre les causes peut aider votre entreprise à la surmonter. Pour en savoir plus, téléchargez notre guide.

a propos de l'auteur
philipp vogel
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Philipp Vogel

district manager

Philipp Vogel a débuté sa carrière en tant que polymécanicien EFZ. Diverses formations complémentaires l'ont conduit aux achats stratégiques et plus récemment à Randstad. Philipp travaille chez Randstad depuis 15 ans et, en tant que directeur de district, dirige les succursales de Bâle à Saint-Gall afin qu'elles atteignent leurs objectifs. Dans son rôle, Philipp apprécie la variété quotidienne et la grande responsabilité. Pendant son temps libre, il pratique le kickboxing et participe activement au carnaval de Bâle.

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